Quelles techniques de persuasion utiliser pour des achats à visée écologique ?

Dans le monde de l’impact positif, le décalage est souvent abyssal entre les intentions affichées par les consommateurs et leurs actions réelles. Vous vous souvenez sans doute de ces nombreux prospects qui vous applaudissent lors de vos présentations ou vous encouragent sur les réseaux sociaux : tous si enthousiastes à l’idée de faire des choix plus responsables pour la planète. Pourtant ils sont bien moins nombreux lorsqu’il s’agit de passer réellement à l’action.

L’argument écologique, bien qu’essentiel, ne suffit plus à lui seul pour nous convaincre de sauter le pas. Alors, comment aider les consommateurs à aligner leurs intentions avec leurs comportements d’achat ?

En tant que communicante engagée et consommatrice pas toujours si responsable, cette question m’a souvent traversé l’esprit. Pour mieux comprendre ce décalage, je me suis intéressée au fonctionnement de notre cerveau et ai suivi une formation poussée en neurosciences et sciences comportementales (BMO). Cela m’a ouvert les yeux sur un aspect essentiel : nous ne sommes pas aussi rationnels que nous aimons le croire. Nos décisions, y compris nos décisions d’achat, sont souvent influencées par des processus inconscients.

Dans cet article, je vous invite à explorer les raisons de cette inaction. Je vous présenterai également 7 techniques de persuasion éthique que j’ai identifiées, illustrées par de nombreux exemples, afin d’aider les consommateurs vertueux à transformer véritablement leurs intentions en actions.

Pourquoi les consommateurs vertueux n’agissent-ils pas malgré leurs bonnes intentions ?

Nous connaissons tous ce sentiment de vouloir bien faire, mais de ne pas toujours passer à l’acte. Prenons des exemples concrets :

  • “Je veux arrêter de fumer”, mais juste une petite cigarette, puis 2, puis 3…
  • “Je veux réduire mes déchets”, mais cette cafetière à capsules est tellement plus pratique.
  • “Je sais qu’il faut réduire les trajets en voiture ou en avion”, mais les autres ne s’en privent pas, alors pourquoi moi ?
  • « Oui, recycler ses bijoux, c’est une super idée, mais… »

En réalité, il y a plusieurs raisons pour lesquelles nous n’agissons pas :

  • La recherche de plaisir immédiat.
  • L’effort important à fournir face à un changement.
  • L’absence dexemples concrets dans notre environnement.
  • Cette tendance à rejeter la faute sur les autres: « Ce sont les entreprises ou les gouvernements qui devraient agir en premier ! »
  • Mais aussi et surtout le manque de reconnaissance professionnel ou personnel pour ces efforts.

Dans le marketing, on retrouve le même schéma : bien que les consommateurs affirment vouloir acheter des produits plus éthiques, ces déclarations ne se traduisent pas toujours en actions. Par exemple, en France, alors que les intentions d’achat de café certifié équitable ou bio augmentent, la majorité des consommateurs continue d’acheter du café conventionnel (CBI).

Une enquête de 2021, réalisée par le Boston Consulting Group, a montré que bien que 88 % des consommateurs français soient conscients des enjeux climatiques, seulement 42 % se disent prêts à agir, et encore moins (22 %) se sentent véritablement motivés pour changer leurs habitudes de consommation quotidienne.1

Pourquoi nos décisions sont-elles en grande partie irrationnelles ?

Nos choix sont largement influencés par des mécanismes automatiques et inconscients.

C’est ce que j’ai découvert dans mes études de neurosciences.

Et les chiffres font mal : Chaque jour, nous prenons environ 35 000 décisions, et plus de 99 % d’entre elles sont inconscientes2. Cela peut aller du choix de la boisson que vous prenez le matin à des décisions plus complexes comme adopter une démarche écoresponsable.

Notre cerveau nous simplifie la prise de décisions, en s’appuyant sur des raccourcis cognitifs et des associations mentales liées à nos ressentis, à nos expériences et à nos connaissances.  Si nous devions réfléchir à chacun de nos actes, nous ne ferions pas un centième de ce que nous réalisons tous les jours. Ces automatismes ne sont pas donc des erreurs ou des biais, mais plutôt des aides indispensables pour fonctionner au quotidien.

Nos prises de décisions en grande partie inconscientes sont largement dirigées par des hormones et des neurotransmetteurs qui jouent un rôle clé dans notre comportement. Par exemple :

  • La dopamine, liée à la satisfaction et au plaisir
  • L’ocytocine, l’hormone de la confiance et des liens sociaux
  • La sérotonine, associée à la reconnaissance et à l’estime de soi
  • Les endorphines, responsables des sensations fortes et du bien-être

Ces substances influencent nos réactions, que ce soit de manière consciente ou inconsciente. Elles poussent les consommateurs à rechercher des émotions positives et à éviter les situations de stress.

La question donc demeure : fort de ces nouvelles connaissances, comment persuader les consommateurs d’adopter des comportements écoresponsables ?

7 techniques de persuasion pour encourager des achats à visée écologique

Grâce aux neurosciences et au neuromarketing, j’ai identifié 7 pistes basées sur le fonctionnement de notre cerveau. Elles peuvent vous aider à convaincre de manière éthique et inciter les consommateurs vertueux à passer réellement à l’action.

1. Créer une réelle prise de conscience

Notre cerveau recherche constamment la cohérence. En son absence, nous avons tendance à écarter les informations qui ne correspondent pas à notre façon de penser. Et pour nous motiver à agir, les bénéfices des solutions écologiques proposées doivent être perçus comme immédiats, et non repoussés à un futur lointain comme l’an 2050.

L’une des premières étapes consiste donc à rendre visible les conséquences positives de ces achats. Démontrez avec des preuves concrètes l’efficacité immédiate de vos solutions.

Mettez en avant un lien tangible à court terme entre les actions des consommateurs et leurs effets sur l’environnement. Par exemple, si vous proposez de recycler des bijoux, montrez ce que deviennent les pièces collectées et indiquez le volume d’extractions de matières premières ainsi évité. N’hésitez pas à utiliser des images pour renforcer ces gains, car notre cerveau est particulièrement réceptif aux stimuli visuels.

Exemple d’illustration : Bijoux collectés, nouveaux bijoux réalisés, extraction évitée

N’oubliez pas également d’interroger régulièrement vos cibles, afin de mieux visualiser les obstacles qui freinent leur prise de conscience ou leur passage à l’acte.

En identifiant les points bloquants réellement exprimés, vous pourrez ensuite proposer des solutions rationnelles et aider les consommateurs à se convaincre qu’ils font le bon choix.

Mais savoir que fumer provoque le cancer et est mauvais pour l’entourage ne suffit pas pour s’arrêter. Cela peut même nous rendre anxieux et nous inciter à fumer davantage pour éviter le stress. En recherchant les facteurs qui échappent à notre conscience (émotionnels, contextuels, sociaux, etc.), vous aurez beaucoup plus de chance de convaincre efficacement.

Regardons ensemble ces 6 autres pistes qui travaillent davantage sur notre inconscient, soit les 99,74 % de nos décisions quotidiennes.

2. Montrer des images positives et inspirantes

Plutôt que de se concentrer sur la peur ou les risques environnementaux lointains, mettez en avant des récits positifs. Pensez aux bénéfices concrets de vos solutions : plus de lien social, moins de stress, un air plus sain, et la beauté de la nature préservée. Ce type de discours, inspirant et optimiste, suscite davantage et souvent inconsciemment l’envie d’agir. Il inhibe les facteurs de stress et agit sur nos vecteurs de motivation positifs. Rien de tel qu’un bon shoot de dopamine, d’ocytocine ou d’endorphine.

Publicité incitant à voyager localement en Bretagne

Attention néanmoins à ne pas rentrer dans un discours globalisant, qui s’écarterait des bénéfices réels de vos solutions et pourrait vous faire entrer dans l’écueil du greenwashing.

Sans réinventer la roue, il suffit parfois de déconstruire une phrase négative, en la transformant positivement. 

Ne dites pas «  avec ce traitement, le nombre de morts passera de 600 à 400 » Mais «  ce traitement sauvera 200 vies »

3. Miser sur l’authenticité et la transparence

Les consommateurs veulent des marques authentiques. Partagez l’histoire de votre entreprise, vos engagements écologiques, mais aussi vos défis et axes d’amélioration. Cela renforce la confiance et la crédibilité. Soyez honnête et montrez votre volonté de progresser.

En tant que consommateurs, nous sommes de plus en plus méfiants envers les discours marketing. Les discours lisses ou sur-vendus nous fatiguent ou nous font doucement sourire, mais ne nous convainquent plus.

D’après une étude européenne 2023 de YouGovSurveys3, 66 % des Français restent sceptiques face aux efforts des marques de les persuader de leur engagement envers l’environnement.

Les consommateurs sont en attente de marques authentiques.

Je ne peux que vous recommander de partager l’histoire de votre entreprise et vos engagements écologiques, en BtoB comme en BtoC, surtout si ces valeurs font réellement partie de votre ADN. Mais vous gagnerez nettement en confiance et en crédibilité, en partageant également vos défis et vos axes d’amélioration. Soyez honnête et montrez votre volonté de progresser, à l’image de la société Loom.

extrait page web de Loom sur ses limites actuelles

4. Personnaliser vos communications à visée écologique

Pour convaincre, vos communications doivent non seulement être positives et authentiques, mais aussi adaptées à vos cibles. Impliquez-les, évoquez ce qui leur parle dans leur quotidien, pour qu’elles puissent s’identifier.

Utilisez des exemples concrets et des comparaisons visuelles simples, comme mesurer la déforestation en termes de terrains de football, afin qu’elles puissent se l’imaginer plus facilement.

L’effet de proximité est également important. Donnez des exemples d’utilisateurs similaires en âge, situation ou localisation. Cela renforcera le sentiment d’identification et d’engagement.

Pimpant, par exemple, inspire en montrant que 100 000 familles sont déjà engagées avec leurs cosmétiques naturels.

5. Impliquer vos consommateurs engagés

Vos consommateurs ne sont pas que des acheteurs, ce sont avant tout des personnes engagées comme vous et moi. Les reconnaître dans ce rôle est une juste récompense.

Cela augmente leur sentiment de légitimité et leur donne envie de s’impliquer davantage. Valorisez-les en les invitant à participer à la co-construction de votre communauté. Vous leur donnez ainsi une image positive d’eux-mêmes, et augmenterez la valeur perçue de vos solutions.

Les méthodes interactives et disruptives peuvent être très efficaces pour impliquer vos cibles. A l’image de cette campagne de publicité de la SNCF pour inaugurer la liaison TGV Lyon-Bruxelles.

Publicité SNCF, « la SNCF vous prend la tête » pour inaugurer la liaison de TGV Lyon-Bruxelles

La marche suprême serait de réussir à créer des communautés dengagement autour de votre marque, en évitant la culpabilisation, comme peut le faire la marque Respire ou Team For The Planet. 

6. Utiliser des nudges pour faciliter le passage à l’action

Les nudges sont des incitations subtiles qui encouragent le passage à l’action sans être contraignantes. Cela peut prendre des formes simples, comme un rappel de rendez-vous via une application telle que Doctolib, des autocollants de mouche dans les toilettes pour inciter à mieux viser, la configuration par défaut du mode recto-verso par défaut pour les impressions ou encore l’affichage d’un score écologique sur les produits.

Ces ajustements minimes réduisent l’effort mental et rendent le passage à l’action plus facile et naturel.

Sur un site web, cela se traduit par des détails qui facilitent et le rendent souvent plus inclusif : un appel à l’action visible et bien positionné, des informations de contact facilement accessibles, des liens clairement décrits, des visuels explicits ou des solutions claires, ainsi que des informations pertinentes à portée de clic sur les produits et les conditions de livraison, pour une expérience utilisateur facilitée.

On le voit une nouvelle fois : L’important est de vraiment mettre les consommateurs au centre, de réduire les efforts cognitifs et leur donner une vraie envie de s’engager.  

7. Intégrer humour et défis dans vos communications engagées

Pour conclure cette liste non exhaustive de conseils visant à valoriser efficacement vos solutions à visée écologique, je voudrais aborder un point souvent négligé, notamment en BtoB :  l’humour et la gamification. Ce sont de puissants outils de persuasion.

L’humour, à lui seul, est une technique de persuasion très efficace.

Il peut s’incarné dans une mascotte, même en BtoB, comme le fait DCbrain, être utilisé dans des campagnes publicitaires, à l’image des marques d’aliments végétaux comme La Vie. Il fait sourire et rend la solution plus gaie, plus attractive et plus fidèle aux imaginaires positifs qui nous attirent.

Les jeux et défis coopératifs sont eux aussi particulièrement performants. Dans les défis de Ma Petite Planète, les participants sont récompensés pour avoir adopté des comportements écologiques. Ce type de stimulation douce renforce l’engagement tout en restant ludique. Les participants bénéficient d’un véritable cocktail d’hormones positives : un petit peu de dopamine pour chaque objectif atteint, de l’ocytocine en se sentant intégrés à un groupe, de l’endorphine après une bonne crise de rire et de la sérotonine pour la fierté du chemin parcouru. 

Les récompenses peuvent prendre différentes formes. Là encore, pas besoin de tout réinventer: Impliquer, donner envie, valoriser sans effort et avec le sourire, cela reste un programme accessible 

Application ludique Ma Petite Planete pour adopter des gestes écologiques

L’utilisation de l’argument écologique : attention aux écueils

Notons surtout que l’argument écologique seul peut parfois manquer son objectif. Les risques environnementaux sont souvent perçus comme lointains ou difficiles à contrer. Et les discours sans engagement réel virent vite au greenwashing dans la tête des consommateurs. Il est donc important de rester authentique, concret et à l’écoute, tout en évitant la culpabilisation excessive.

Au-delà de ces quelques conseils, c’est toute notre manière de communiquer que nous devons repenser. En comprenant mieux les mécanismes inconscients qui régissent les prises de décision, nous pouvons élaborer des stratégies de marketing éthique et persuasif, qui parlent à la fois aux émotions et à la raison des consommateurs. De nombreuses marques engagées montrent déjà la voie.

En utilisant ces techniques de persuasion de manière éthique, nous pouvons encourager les consommateurs à opter pour des solutions plus responsables et à aller au-delà des bonnes intentions.

La transition écologique n’est pas seulement une affaire d’environnement, elle implique aussi une meilleure compréhension du comportement humain. En adaptant nos approches et en démontrant qu’un petit geste, même inconscient, peut avoir un grand impact, nous pouvons faire une réelle différence.

Comme le disait Margaret Mead : « Ne doutez jamais quun petit groupe de personnes peut changer le monde. En fait, cest toujours ainsi que le monde a changé. »


  1. https://www.bcg.com/press/22october2021-responsible-consumption-can-we-expect-everything-from-consumer ↩︎
  2. https://www.esf-scienceshumaines.fr/blog/post/l-influence-cachee-du-cerveau-humain-entretien-avec-guillaume-attias.html ↩︎
  3. https://business.yougov.com/fr/content/45302-consommateurs-mefiance-promesses-ecologiques ↩︎